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RAPPORT SUR L'ORGANISATION TERRITORIALE
DE L'ACTION DES I.T.P.E.
"L'EQUIPE MEDIA-TERRITORIALE"

Congrès 1991 - Tribune 1140

 

Rapporteur : Pascal MARTIN-GOUSSET

Membres du groupe de travail : Jean-François GAUCHE, Pascal GIRARD, Philippe PORTE



PREAMBULE

L'action sur le terrain de techniciens à haute qualification, telle a été la motivation originelle de la création et du développement du corps des I.T.P.E. Nul ne conteste que cette présence territoriale les légitime à se situer au cœur de tous les débats concernant l'ingénierie publique.

A fortiori, de ceux traitant des structures et des organisations territoriales.

Or, l'actualité, avec l'arrivée dans la dernière ligne droite de la mise en œuvre de la décentralisation, d'une part, et avec l'application de la déconcentration des actions de l'État, d'autre part, commande de remettre à jour les réflexions du S.N.I.T.P.E. sur le sujet de la territorialité.

Chacun a en mémoire l'apport des idées exprimées par la "nouvelle territorialité". Elles s'articulaient autour de la proposition consistant à abandonner le schéma :
           un maître d'ouvrage = une administration = un service spécifique = un type de technicien

par celui-ci:
            une entité géographique ou socio-politique   = un service utilisé par plusieurs maîtres d'ouvrage =   une équipe de techniciens pluridisciplinaire.

La présente analyse, faisant siennes les conclusions exposées à partir de ces idées, s'efforcera de leur donner un nouvel élan.

Laissant à un autre rapport le soin d'aborder la question des structures, nous privilégierons le thème de l'organisation. En effet, nous croyons que, dans la modification d'une réalité lourde à mouvoir, la transformation du mode d'organisation précède celle des structures.

Pour ce faire, il a paru nécessaire de reprendre un peu de recul en s'interrogeant sur les notions de territorialité et d'aménagement du territoire. Leur approfondissement conduira à proposer un mode d'exercice de nos métiers où la mentalité du pré-carré géographique ou sectorielle, laisse la place à notre vocation de médiateurs.

Action de médiation entre les différentes approches techniques des problèmes d'aménagement, action de médiation entre les différents maîtres d'ouvrage, notre présence territoriale sera décrite comme un type d'organisation d'une équipe média-territoriale.

 

I - UN PEU DE THEORIE

Recadrer un thème d'analyse ne peut sérieusement être envisagé sans définir le contenu que nous mettons dans les mots clefs du sujet.

Nous sacrifierons à cette régie en précisant quels sens sont donnés à territorialités, aménagement du territoire, subsidiarité.

La simplicité des propos sera recherchée prioritairement sur la qualité du style: la répétition des mêmes termes a été préférée au risque du verbalisme.

I-1 - TERRITORIALITES, AMENAGEMENTS D'UN TERRITOIRE.

Des différentes approches existantes sur ces notions, seule la description par l'analyse des systèmes sera utilisée. Si elle nous a paru la plus féconde pour les ingénieurs que nous sommes, nous signalons à titre indicatif un autre angle d'étude possible qui serait l'analyse des comportements des individus vivant dans un espace donné.

Rappelons ce qu'est un système:
-     un ensemble d'éléments défini par rapport à un environnement
(exemple : villes d'un pays ou éléments, par rapport au milieu         rural, environnement) ;
-    une (ou plusieurs) nature de flux d'échanges entre les éléments du système,
ou avec son environnement   (exemple  :                      déplacements des personnes par la route entre villes et milieu rural).

 

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Les liaisons physiques, internes entre éléments, ou externes entre éléments et l'environnement, sont le support des flux d'échanges. Ces liaisons seront dans notre exemple des villes avec les déplacements par la route, toutes les voies routières.

Dans ce cas, les flux d'échanges peuvent être représentés par une matrice origines-destinations quantifiant les déplacements internes entre villes, et externes entre villes et milieu rural.

La densité des liaisons, et leur plus ou moins grande uniformité déterminent les qualités du système. En particulier, sa cohérence et son adaptabilité, et donc sa pérennité, en seront directement fonction. En effet, si les caractéristiques de certaines voies de notre exemple (villes d'un pays, déplacements par la route) ne correspondent plus aux besoins modernes, certains éléments (villes) du système établiront des flux d'échange préférentiels avec des villes d'un autre système. Alors son système d'origine pourra "perdre" un élément et donc s'altérer.

L'application de ces concepts à un territoire ou espace géographique, pris comme le lieu d'activités humaines variées, conduit à décrire une abondance de systèmes:

- soit matériels :

. bassins d'emplois (éléments) avec flux de transports des personnes ou/et des biens (flux d'échange), chaque mode de transport définissant un système.
Considérons les bassins d'emploi français. Les flux d'échange entre eux par routes nationales, autoroutes, T.G.V., voies navigables, lignes aériennes, etc., déterminent bien autant de systèmes.
Les luttes entre régions ou grandes villes lors de l'établissement des grands schémas directeurs d'infrastructure illustrent les intérêts vitaux, que représente l'appartenance à tel ou tel système.

. pôles d'habitat avec flux de "subsistance" (eau potable, eaux usées, énergie, ordures ménagères...)
. bassins versants avec cours d'eau, etc.;

- soit immatériels:

. activités domestiques et individuelles, avec flux monétaires,
. les mêmes activités avec flux d'information,
. villes ou quartiers, avec échanges sociaux,
. puissances publiques (Etat, Conseils Régional et Général, commune) et compétences administratives, avec flux fiscaux, etc.

Si nous définissions le terme de territorialité comme une façon de vivre un territoire (un espace géographique donné) par un groupe humain, alors chacun des systèmes énumérés ci-avant définit une territorialité particulière.

Ainsi, dans ce rapport, la notion de territorialité sera par essence plurielle: la territorialité, entité unique englobant tous les vécus d'un territoire, n'existera pas dans notre approche analytique. Chaque regard spécifique (ingénieurs, géographe, urbaniste, économiste, sociologue, etc.) sur un territoire utilise un système pour étudier une territorialité.

Par simplification nous identifierons chaque système à la territorialité spécifique, à laquelle il se rapporte.

Chaque territorialité, avec ses éléments et ses flux d'échanges canalisés sur des liaisons physiques, divise le territoire en mailles géographiques. Celles-ci sont dessinées soit de fait géométriquement par les systèmes purement matériels, soit par les agrégations géographiques déduites du fonctionnement du système.

La maille peut être définie comme le plus petit sous-système de la territorialité considérée.

Ces notions de territorialités, et de mailles sont illustrées par trois exemples sur le territoire français:
- la desserte des grandes villes par le T.G.V. ;
- les grands bassins versants hydrographiques ;
- les grandes villes et leurs aires d'influences déterminées par les déplacements réguliers centrés sur elles (exemple de la région centre).

Ces exemples montrent comment la cartographie issue d'une territorialité dessine un réseau de mailles.

La superposition sur un même territoire étudié de plusieurs réseaux de mailles (correspondant chacun à une territorialité) suggérera un arrangement où les mailles les plus fines seront approximativement imbriquées dans les plus larges.

Exemples:
- la desserte S.N.C.F. par les trains express régionaux dessine des mailles incluses dans celles dessinées par la desserte T.G.V. ;
- dans une région à l'identité marquée par un grand fleuve et accueillant plusieurs villes moyennes, les mailles des pôles d'habitat seront emboîtées dans celles des bassins versants.

Un territoire étant ainsi décrit, l'action de l'aménageur sera comprise comme un ensemble d'interventions visant à transformer parallèlement un ensemble de territorialité

Nous proposons alors, pour les besoins de ce travail, de définir l'aménagement du territoire comme l'art d'articuler entre elles les différentes territorialités en visant leur compatibilité, sinon leur synergie. L'aménageur est celui qui gère les contradictions entre les fonctionnements des différentes territorialités: c'est un acteur "média-territorial".

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Cette description multi-fonctionnelle d'une aire géographique nous apparaît bien adaptée aux interventions multisectorielles de l'I.T.P.E. territorial.

En conséquence, les propositions d'organisation du corps des I.T.P.E. esquissées par ce rapport, tenteront de répondre à la nécessité d'être opérationnel à la fois sur les territorialités les plus fines et celles les plus larges.

Rappelons les principaux concepts introduits :
- un territoire = un espace géographique où vit un groupe humain ;
- une territorialité = l'une des façons de vivre un territoire par ce groupe humain. Définir une territorialité c'est définir un système (éléments, flux d'échanges) ;
- échelle de territorialité = précision cartographique nécessaire pour représenter cette territorialité ;
- maille = plus petit sous-système d'une territorialité ;
- aménagement du territoire: action de médiation entre les différentes territorialités décrivant le fonctionnement d'un territoire.

 

I-2 - SUBSIDIARITE

S'agissant d'étudier l'organisation d'interventions pouvant se superposer, le principe de subsidiarité sera cité.

Souvent évoqué en matière de répartition entre structures emboîtées, il recouvre en fait deux composantes complémentaires :
- la suppléance, par laquelle la structure de rang supérieur n'intervient que lorsque le rang inférieur n'est pas en légitimité d'accomplir lui-même la fonction considérée ;
- le secours, sans lequel la suppléance serait pour les moins armés, la liberté de disparaître.

Ces règles de bon sens sont des "garde-fous" utiles pour émettre des propositions crédibles par leur simplicité.

 

II - LA TERRITORIALITE DES I.T.P.E.  :  ETAT ACTUEL

II-1 - QU'EST-CE QUE LA TERRITORIALITE DE L'I.T.P.E. ?

Rappelons que le corps des I.T.P.E. est une création du pouvoir central, qui voulait susciter et contrôler la construction des réseaux viaires départementaux et communaux (concurrence avec service vicinaux).

Sa vocation était d'apporter à chacune des 36.000 communes de France un service technique des Ponts et Chaussées de proximité. La réussite de l'implantation des subdivisions fut telle que leurs activités techniques s'étendit à la réalisation de toutes les infrastructures empruntant le domaine public routier. Aujourd'hui l'I.T.P.E. territorial, par ses compétences techniques polyvalentes et par son réseau local d'informations, est devenu un interlocuteur potentiel dans tout projet d'aménagement : la déconcentration de l'urbanisme a consacré cette évolution.

Sa particularité, par rapport à d'autres acteurs techniques territoriaux réside dans sa "double" capacité de médiation suivante :

D'une part, entre les différentes natures ou échelles de territorialités (au sens du I). Par exemple la réalisation d'une ligne nouvelle T.G.V. fait se rencontrer localement plusieurs territorialités, qui chacune a le "droit d'exister": desserte ferroviaire à grande vitesse, bassins versants (coupés par les remblais), réseau viaire d'intérêt local, aires d'influence des pôles d'habitat (si une gare proche est projetée). La prise en compte croissante des questions d'Environnement fournit d'innombrables exemples où l'équilibre entre les territorialités est l'objectif n° 1 de l'opération d'aménagement.

D'autre part, entre les différents décideurs : Etat, région, département, communes, et, de plus en plus (permis de construire par exemple), l'usager lui-même, c'est-à-dire le public.

Si ce dernier n'est pas un décideur direct, il sait aujourd'hui se regrouper en associations pour une action efficace de lobbyng.

Sollicité pour les compétences qui sont les siennes ou auxquelles il peut donner accès, I'I.T.P.E. territorial est même amené quelquefois à conduire des actions dans des domaines éloignés de sa vocation technique initiale.

Lorsqu'il est en situation d'assumer pleinement cette fonction de rnéditation, le subdivisionnaire peut devenir un indispensable faciliteur de résolution de problèmes.

Mais il ne rencontre pas toujours cette situation !

 

II-2 - LES DYSFONCTIONNEMENTS ACTUELS

L'évolution de la présence des I.T.P.E. dans les subdivisions est édifiante.

 

Année

   Nombre de
   subdivisions

I.T.P.E. B
1972

   1980

Projet DP
              de 1990

1 350

  1 302

        1 300 (?)

1 104

970

 800

246

332

500

 

La lecture de la liste des postes vacants parue le 28-6-1991 fait ressortir un taux de vacance en subdivision de 13 % (103 pour 800), pour un taux général de 12 % (400 sur 3.207 en position normale d'activité au premier niveau de grade). Or, traditionnellement, jusqu'à un passé récent, les postes de subdivisionnaire étaient sensiblement moins affectés par les vacances que les postes fonctionnels.

Cette désaffection des I.T.P.E. pour les subdivisions est évidemment liée aux éléments matériels suivants : refus d'éloignement du chef-lieu à cause du travail de l'épouse ou des études des enfants, rémunération insuffisante en face des contraintes supportées.

Mais l'analyse de ce taux de vacance ne peut s'arrêter aux seuls aspects matériels.

N'y a-t-il pas aussi un problème d'inadaptation de notre organisation face à l'évolution :
- de nos métiers
- des structures environnantes
- des attentes de nos interlocuteurs ?

Lorsqu'un subdivisionnaire est en situation de participer à un acte d'aménagement (au sens défini ci-dessus), celui-ci nécessiterait souvent des interventions à une échelle de territorialité dépassant le strict périmètre de sa subdivision.

Exemple: I'aménagement d'une zone industrielle importante peut rencontrer des:
- contraintes locales de carrefour communal ;
- contraintes délocalisées de carrefour CD/RN ;
- contraintes locales et délocalisées d'approvisionnement d'eau ;
- contraintes locales et délocalisées de rejets des eaux usées et pluviales (prises d'eau à l'aval...) ;
- contraintes délocalisées de logements etc....

Or, son champ clos d'intervention lui interdira d'être l'interlocuteur qui est cependant souhaité et qu'il est capable d'être.

Cet handicap réduit le domaine de ses activités de conception et est alors une source de frustration majeure contribuant à la désaffection constatée.

 

III - PROPOSITIONS

III-1 - OBJECTIFS

Il s'agit d'imaginer un mode de fonctionnement territorial du corps adapté à la multiplicité des territorialités rencontrées en aménagement du territoire.

Cette organisation aura l'ambition de mettre à la disposition de chaque collectivité (Etat, Région, Département, Commune) un outil capable d'une double médiation :
- entre les diverses territorialités, différentes par leurs natures et par leurs échelles ;
- entre les différentes collectivités elles-mêmes (ou territorialités institutionnelles).

C'est à cette condition que le service au public, finalité de l'ingénierie publique, se mettra en mesure de répondre à la complexité actuelle des besoins collectifs de nos concitoyens.

Pour être réaliste, ce nouveau mode de fonctionnement devra respecter simultanément :
- la contrainte de "faire" avec les structures existantes (souci d'être opérationnel à court terme) ;
- l'intérêt de rester présent sur la territorialité institutionnelle la plus fine (système de l'administration communale) ;
- la nécessité de rester simple dans l'organisation (ne pas multiplier les niveaux de hiérarchie) ;
- la condition double d'autonomie/appui en expertise du siège (subsidiarité).

Nous ne craindrons pas de souligner la nécessité de bousculer les mentalités actuelles du "à chacun son pré-carré". La survie de notre présence territoriale en dépend.

 

III- 2 - ENONCE DU PROJET : L'EQUIPE MEDIA-TERRITORIALE

Le projet peut se définir par les trois principes suivants :

a) Choisir trois ou quatre territorialités qui, avec leurs échelles différentes, définissent sur un espace géographique donné (le département ?) autant de réseaux de mailles. Des exemples sont cités ci-dessous.

b) Assembler (sans les supprimer) les subdivisions existantes de façon à obtenir des assemblages d'une dimension comparable avec l'échelle la plus large.

Sur la question du nombre de subdivisions, nous proposons l'attitude équilibrée suivante.

L'assemblage par la suppression systématique de subdivision conduirait à diviser par 3 ou 4 leur nombre : que deviendrait "l'appréhension de la territorialité communale" et le réalisme de notre proposition ? Sur la question du nombre de subdivisions, contentons-nous de stopper l"'acharnement thérapeutique", qui transforme certaines subdivisions en guichets sans intérêt.

c) Confier à un coordonnateur la mission d'animer la cohérence média-territoriale de l'aménagement sur chaque assemblage de subdivisions.

En raisonnant sur un département ordinaire (non hyperurbain), les territorialités fédératrices seront souvent identifiées aux systèmes matériels suivants :

- les pôles d'habitat ou/et d'emploi, avec les flux migratoires quotidiens ;

- les axes routiers structurants (R.N. et C.D. de première catégorie) ;

- les cours d'eau avec les bassins versants;

- les entités agricoles, le littoral, les vallées... (à choisir selon l'identité du département).

Bien que d'échelles à priori différentes, rien ne permet de penser qu'elles s'emboîtent parfaitement. Des recoupements partiels seront constatés.

L'arrangement en assemblages cohérents de subdivisions nécessitera alors un arbitrage "hiérarchisé" entre les territorialités. C'est alors que les approches sociales, économiques et politiques feront intervenir la prise en compte des systèmes immatériels. Ici un grand fleuve a modelé historiquement l'organisation des activités de la société: la logique de bassins versants sera dominante sur des entités agricoles d'une échelle pourtant comparable. Là des anciens complexes industriels guideront les arbitrages. Ailleurs, la présence d'un ténor de la scène politique nationale sera une territorialité à part entière !

Ce type d'assemblages, par sa souplesse, présente également une intéressante capacité d'adaptation aux évolutions dans le temps des territorialités = la croissance d'un bassin d'emploi, ou la mise en service d'une voie expresse, peuvent par exemple, remodeler la hiérarchisation entre les territorialités et faire modifier les assemblages de subdivisions.

Que peut-il en être d'une adéquation entre ces assemblages et les découpages institutionnels ?

- une adéquation parfaite sur l'un ou l'autre de ces découpages réduira les capacités de médiation entre collectivités ou entre territorialités. Par exemple, les arrondissements de Préfecture ne coïncident avec des entités géographiques et sociales que dans des départements, où des caractères forts (vallées de Montagne) n'ont pas été altérés par l'histoire économique contemporaine. Constituer dans ces conditions des assemblages calqués sur les arrondissements n'apporterait aucune capacité de médiation entre bassins d'emplois, bassins d'habitat, bassins hydrographiques, etc.;

- une ignorance totale des périmètres administratifs serait mal supportée par les donneurs d'ordres locaux. Ces derniers se détourneraient des compétences techniques mises en vain à leur disposition.

Nous pensons que les territorialités institutionnelles sont à prendre en compte, ni plus, ni moins que les autres systèmes.

Un moyen terme est proposé en calant l'exercice, d'une part sur l'échelle de territorialités majorante qu'est le département, d'autre part sur l'échelle minorante qu'est l'échelon communal.

Rappelons qu'il s'agit ici de travailler sur une organisation territoriale qui permette d'offrir à l'ensemble des collectivités un outil pluridisciplinaire, capable d'être à l'écoute de toutes les commandes locales et se situant en position de médiation.

Cela est évidemment compatible avec la présence d'I.T.P.E. au sein de telle ou telle collectivité locale. En particulier, la formulation des commandes spécifiques départementales ne bénéficiera de cet accroissement de pertinence dans l'action des subdivisions, qu'en présence d'interlocuteurs à "haute technicité" au Conseil Général.

III-3 - FONCTIONNEMENT DE L'EQUIPE MEDIA-TERRITORIALE

L'arrangement des territorialités conduit à des assemblages d'importance variable. L'exercice a été fait sur 4 D.D.E. Il a abouti à définir trois à cinq assemblages par département. L'encadré joint au texte décrit un exemple.

Le fonctionnement possible de ces équipes média-territoriales sera analysé avec des discussions sur d'une part, les relations à l'intérieur des l'assemblages, et sur d'autre part, les échanges avec l'extérieur.

Quelles relations à l'intérieur de l'assemblage ?
Nos exigences de simplicité et de réalisme imposent tout d'abord que la coordination de la média-territorialité soit assurée par l'un des subdivisionnaires.

Quelle que soit la catégorie de personnel à laquelle appartient l'un des subdivisionnaires de l'assemblage, celui-ci a vocation de s'informer sur tout domaine de territorialité. En effet, il doit être à l'écoute de la commande locale, communale ou intercommunale, qu'elle qu'en soit sa nature.

C'est par un échange régulier en équipe, sous la conduite du coordonnateur, que sont décelés les dossiers demandant un niveau pertinent d'action débordant le cadre d'une seule subdivision.

Le traitement du dossier sera alors le fait de l'équipe média-territoriale. Cette organisation ne doit pas se lire avec une vue hiérarchique; le subdivisionnaire non coordonnateur peut rester le chef de projet interlocuteur du maître d'ouvrage ayant exprimé la commande.

L'existence d'un coordonnateur se justifie à nos yeux:

- par la nécessité de disposer sur l'assemblage d'un responsable chargé de la "veille" média-territoriale ;
- par l'intérêt de légitimer l'action du chef de projet sur l'ensemble des subdivisions concernées au sein de l'assemblage.

Cette proposition de travail des subdivisionnaires en équipe ne rencontrera pas que des esprits préparés. Cependant, qu'y a-t-il à risquer ? Au pire que les moins motivés restent à gérer le quotidien dans leur coin (la provocation aide à la prise de conscience...). Au mieux que ceux, ayant compris le degré de complexité du fonctionnement de notre société, développent la gestion pertinente des gros dossiers ?

La média-territorialité doit s'accompagner d'une méthode de travail où chaque subdivisionnaire apporte, sur un dossier non localisé chez lui, une compétence technique qui lui est particulière. Celle-ci aura pu être développée sur une opération ou un poste antérieurs. Ce fonctionnement ne sera pas exclusif des appuis "experts" du siège et ne spécialise pas les subdivisions. Il a l'avantage d'être compatible avec l'utilisation rationnelle des moyens présents sur l'assemblage.

Ces dispositions doivent assurer une autonomie d'action immédiate, sans laquelle la présence territoriale ne serait qu'un relais "bureaucratique" entre les maîtres et des intervenants spécialisés du siège.

Bien plus, avec la démultiplication des compétences qu'elles permettent, elles sont de nature à développer des champs d'intervention non assumés aujourd'hui :
- tâches de conception (petits ouvrages d'art, éclairage public, etc.) ;
- tâches de gestion (contrôle effectif des contrats de concession ou d'affermage) ;
- tâches sociales (politique du logement...).

La média-territorialité serait alors elle-même enrichie par l'amélioration de notre pluridisciplinarité qu'elle aura permise. Alors les acteurs en subdivisions, qui auront accepté de procéder à une petite révolution culturelle, seront récompensés par la satisfaction que procurent tout décloisonnement et toute augmentation de reconnaissance sociale.

Quelles relations avec l'extérieur de l'assemblage ?
L'extérieur d'un assemblage est constitué à la fois par:
- les maîtres d'ouvrage en situation de lui formuler une commande, mais aussi le public destinataire de la prestation;
- les partenaires, desquels les acteurs de l'assemblage sont conduits à solliciter le soutien pour satisfaire une commande.

Que ce soit une commande simple portant sur la mise à disposition d'une compétence technique précise, ou une commande d'aménagement faisant appel aux capacités de médiation (inter-territorialité ou inter-maître d'ouvrage), il s'agit bien de répondre à un besoin exprimé par le maître d'ouvrage/décideur. En tant que tel, il lui appartient d'utiliser ou non un outil, ayant l'ambition de mieux lui ouvrir la complexité de la réalité territoriale.

Le traitement complet de cette complexité, à laquelle permet d'accéder le niveau de pertinence de l'assemblage, ne saurait évidemment se réduire aux seuls moyens présents dans les subdivisions.

Posant les problèmes dans leur globalité, le fonctionnement de la média-territorialité multipliera les besoins en capacité d'expertises techniques traditionnelles mais aussi économique et sociale.

Ces capacités seront sollicitées soit au siège de la D.D.E. ou du service technique départemental, soit au réseau technique du M.E.L.T.M., soit à des intervenants privés.

Ce projet d'organisation nous semble être de nature à dépasser l'opposition technicité-polyvalence, dans laquelle voudrait nous entraîner l'Administration. Dans le schéma proposé, I'acteur territorial et le technicien "spécialisé" apportent ensemble un service complet: diagnostic-analysesynthèse-programme d'actions.

Ils participent l'un et l'autre à la même mission de conseil global et opérationnel en aménagement: I'action territoriale n'est la propriété de personne.

L'I.T.P.E. du siège, qui apporte son expertise, n'est pas un spécialiste: c'est un agent occupant à un moment de sa carrière un poste fonctionnel. Ce type de poste peut naturellement précéder ou suivre une expérience de subdivisionnaire, où une culture technique solide demeure indispensable.

La présence éventuelle d'arrondissements territoriaux préexistants (cas d'une vingtaine de D.D.E.) est à considérer avec pragmatisme:
- si leurs périmètres sont opérationnels par rapport à la fonction média-territoriale et s'ils apportent aux subdivisions l'animation technique souhaitée, la démarche proposée dans ce rapport ne semble pas, pour le moins, urgente;
- si ces conditions ne sont pas remplies, il ira de la sagesse des hommes (et des femmes) présents de conserver ce qui sert la réalité territoriale et de faire l'effort d'amender l'autre partie...

De toutes façons, il subsistera des dossiers intéressant plusieurs assemblages nécessitant une coordination où la fonction de direction de Subdivision (aujourd'hui plus honorifique que réelle) pourra s'exprimer efficacement.

Ainsi, en se tournant résolument vers la satisfaction globale des commandes exprimées localement, cette organisation refuse de tomber dans cette opposition technicité-polyvalence, derrière laquelle se cache en fait celle du pouvoir central/pouvoir local.

 

 

IV - MEDIA TERRITORIALITE ET CONTEXTE

Cette dernière partie se limitera à confronter le projet développé ci-dessus aux diverses évolutions actuelles du contexte.

Notre propos est ici de vérifier l'adaptabilité d'un mode d'organisation se voulant proche du fonctionnement de la réalité territoriale, et non de débattre sur les questions de pouvoir liées à des problèmes de structure.

Sur les mutations du contexte interne, I'augmentation générale des qualifications nous apparaît le point essentiel. Liée à l'amélioration du niveau de recrutement et aux efforts de la formation continue, elle ne donnera ses pleins effets que si l'organisation du travail laisse exprimer les compétences de chacun.

La média-territorialité, en élevant nos niveaux d'intervention vers plus de missions de conception et plus d'approches globales, en donnant une plus grande pertinence à l'échelon le plus déconcentré, est à même de répondre à ces exigences.

Le contexte externe connaît deux évolutions majeures: l'achèvement de la décentralisation avec la sortie de l'article 30 (chaque collectivité prend directement à sa charge les prestations dont elle bénéficie) et la mise en œuvre des réformes sur l'action déconcentrée de l'État (loi Joxe, D.I.R.E.N., D.D.E.-D.D.A.).

A l'égard de la décentralisation, le fonctionnement proposé par l'équipe média-territoriale mettra, par "construction", les assemblages de subdivisions en situation de répondre (à la demande du Conseil Général) aux commandes soulevées par les différentes territoriabilités départementales. C'est-à-dire au-delà des C.D., la gestion des collèges, I'électrification rurale, le suivi des subventions, l'aide au développement économique...

Il est clair que le département est l'un des maîtres d'ouvrages pouvant montrer le plus d'intérêt dans la double position de médiation des acteurs de l'assemblage.

La décentralisation des actions de l'État a plusieurs volets :
a) La délégation aux échelons régional et départemental de certaines attributions de l'Administration centrale (loi Joxe).

La média-territorialité est de nature, en améliorant l'appréhension et la représentation des problèmes locaux, à limiter la tendance des Préfets, à monopoliser à leur profit l'esprit de la déconcentration.

b) L'invitation forte aux regroupements communaux dans des communautés de ville ou de commune (loi Joxe également).

Sa motivation participe, dans son principe, à la même logique que celle du présent projet : faire apparaître des dimensions territoriales pertinentes par rapport aux dossiers d'aménagement.

c) La création des D.I.R.E.N. et l'idée d'un rapprochement des D.D.E. et des D.D.A.

En favorisant une intervention pluridisciplinaire sur des logiques de bassin versant et d'entités socio-économiques, la média-territorialité mettra en place le service technique local capable d'intégrer pleinement les préoccupations des D.I.R.E.N. et des D.D.A.F.

 

Cette proposition d'organisation, bâtie sur l'ambition de s'adapter à la complexité de la réalité territoriale est donc naturellement compatible avec toutes les contraintes lices aux mutations du contexte général.

Enfin, il n'entrait pas dans l'objet de ce travail d'étudier comment apporter les moyens financiers assurant l'existence des équipes média-territoriales. Cependant, éluder complètement cet aspect n'est pas possible lorsque le souci d'être opérationnel a été affiché.

Aussi, pour conclure, nous soulignerons l'évidence selon laquelle la question financière sera d'autant plus aisément résoluble que notre organisation territoriale sera capable d'être à l'écoute et de satisfaire toutes les commandes locales.

Réponses à quelques questions sur la média-territorialité


1) Les assemblages de subdivisions ne cachent-ils pas des arrondissements territoriaux ?

Non, il ne s'agit pas de structures extérieures aux subdivisions, mais d'un type d'organisation inter-subdivisions.

2) Par son ambition de modifier les comportements de tous, ce projet n'est-il pas utopique ?
La mise en œuvre d'une nouvelle organisation de ce type connaîtra forcément des fortunes diverses, allant de l'ignorance réciproque à la collégialité horizontale. Tant pis pour ceux qui ne comprendront pas tout de suite que le travail en micro-structures fermées n'est plus de ce temps: ils ne feront pas mieux qu'aujourd'hui. Tant mieux pour ceux qui prendront conscience que le temps est venu de l'action en réseaux, ils seront à même de "se faire plaisir".

3) La théorie de la formation des assemblages ne parait-elle pas trop sophistiquée pour être applicable ?
La faisabilité de l'exercice est directement liée à la possibilité de hiérarchiser sur une carte les territorialités. Ce n'est à priori pas évident lorsque l'on reconnaît que la réalité se met difficilement en carte: le plus beau document I.G.N. ne reproduira jamais qu'un pâle reflet du paysage perçu. . .

Aussi cet exercice n'a de sens que s'il est effectué par des acteurs locaux. Ceux-ci vivent les différentes territorialités et peuvent en dégager immédiatement une hiérarchisation, correspondant aux identités remarquables du département.

 

UN EXEMPLE DE CONSTITUTION D'ASSEMBLAGES

L'exemple ci-dessous a été traité par la prise en compte des quatre territorialités suivantes :
- les bassins d'habitat avec les flux de déplacement domicile-travail ;
- les axes routiers structurants ;
- les cours d'eau avec les bassins versants;
-  les entités agricoles.

Il s'agit d'un "cas ordinaire" où aucune territorialité n'impose une hiérarchisation unique sur tout le département. Sur telle partie de ce territoire, ce sera la logique de bassin d'habitat qui imposera le contour de l'assemblage, sur telle autre ce sera celle des bassins versants et des entités agricoles.

L'examen a produit cinq assemblages, aux identités respectives suivants :
- l'assemblage n° 1 correspond au bassin d'habitat principal, qui impose une identité particulière à cette partie de territoire ;
- les assemblages n° 2 et 3 sont, chacun, fédérés par des identités équilibrées de bassins versants et d'entité agricole. Les axes routiers structurants complètent les cohérences de ces assemblages ;
- l'assemblage n° 4 est constitué par un bassin d'habitat inclus dans un bassin versant et posé sur un axe structurant ;
- l'assemblage n° 5, rural, résulte d'une forte identité agricole.

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