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Cabinets de conseil : la Cour des comptes confirme les alertes

La Cour des comptes vient de publier un rapport public d’initiative citoyenne consacré au recours par les collectivités territoriales aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil. Ce travail approfondi, réalisé par plusieurs chambres régionales des comptes, dresse un constat aussi rigoureux qu’inquiétant : dans un nombre croissant de cas, des prestations stratégiques ou techniques sont externalisées sans évaluation préalable, sans justification robuste, ni bilan objectif. Et ce, alors même que les ressources publiques existent, souvent au sein des services, mais sont ignorées ou sous-mobilisées.

Le rapport souligne que cette externalisation croissante porte sur des fonctions-clés des collectivités – ingénierie urbaine, aménagement, numérique, environnement, ressources humaines – et qu’elle s’effectue dans un contexte de perte de repères sur la place de l’expertise publique dans la décision. Il fait écho au rapport de 2023 sur le recours de l’État aux cabinets de conseil, qui avait déjà mis en évidence une perte de contrôle de l’administration sur ses propres missions, une opacité dans les procédures, et une dépendance accrue à des prestataires privés.

Un affaiblissement des capacités de l’action publique

Ces constats résonnent fortement avec les alertes portées depuis plusieurs années par le SNITPECT-FO et la FEETS-FO. Cette politique d’externalisation affaiblit durablement la capacité de la puissance publique à concevoir, mettre en œuvre et évaluer ses politiques techniques. L’attrition des compétences internes résultant de cette trajectoire questionne la capacité de la puissance publique à analyser techniquement les prestations réalisées, pourtant nécessaire pour la bonne gestion de la commande publique.

Le problème est encore plus profond : en transférant l’établissement de sa stratégie au secteur marchand, la puissance publique renonce à la souveraineté démocratique sur les grandes transitions à venir. Le recours aux cabinets privés est considéré comme gage « d’indépendance », faisant fi du lien contractuel existant ou des questions posées par les prestations « gratuites » (les fameux pro bono). Dans le même temps, les attaques contre le statut général se multiplient, alors que la neutralité des fonctionnaires est pourtant un rempart destiné à prémunir la République de ces dérives. La fonctionnalisation à outrance de l’encadrement supérieur ou des inspections générales (qui ont les compétences pour réaliser les missions d’établissement de stratégies et d’audits) en est une illustration.

Les défis de la transition exigent une ingénierie forte et pérenne

Un nombre significatif de prestations commandées aux cabinets privés concernent l’avenir de politiques publiques essentielles : transition énergétique, aménagement durable, prévention des risques, adaptation au changement climatique. Ces politiques exigent pourtant une capacité d’analyse intégrée, territorialisée, construite dans le temps long. Elles ne peuvent reposer sur des livrables préformatés ni sur des expertises hors-sol.

Le SNITPECT-FO l’affirme dans le Livre vert et noir de l’adaptation au changement climatique, la puissance publique doit impérativement reconstituer une ingénierie publique forte, pilotée, et présente à tous les niveaux du territoire.

Ce constat appelle aujourd’hui une réponse politique. Les ITPE, acteurs historiques des politiques publiques techniques, attendent un message clair du ministère de l’Écologie sur les orientations les concernant. L’enjeu est simple : choisir entre l’attrition continue de la compétence ou sa reconquête au service de la puissance publique.

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