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De nouveaux chapitres à ajouter au livre noir de la RGPP…

Venus de tous horizons (parlementaires, associations d’élus, médiateur de la République, acteurs économiques,….hauts fonctionnaires!), ils l’ont dit, venant conforter les analyses portées par FORCE OUVRIERE dès 2010!!Toutes ces citations sont extraites des comptes-rendus de la mission sénatoriale sur l’impact de la RGPP sur les collectivités locales et les services publics locaux. Les comptes-rendus sont disponibles ici
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« Pour ma part, je reste assez sceptique sur l’efficacité de la RGPP, même si je conçois que les traités européens et l’objectif de réduction des déficits publics la rendent nécessaire. Le principe de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux a été appliqué sans trop de discernement, et après la fermeture de divisions et de sous-préfectures viendra peut-être celle de préfectures… Prenons garde ! »

« Mais le département demeure un échelon de proximité indispensable : c’est là que s’adressent en premier lieu les élus, les chefs d’entreprises et les responsables associatifs. Un palier a été atteint, et il serait dangereux d’aller plus loin dans la baisse des moyens. »

« La RGPP et la RéATE, mises en oeuvre contre l’avis du personnel et sans grande concertation avec les préfets, ont donc produit des résultats mitigés. »

« Mais au niveau régional, la conférence administrative régionale qui se réunit toutes les six semaines passe plus de temps à examiner les budgets opérationnels de programmes (BOP) qu’à définir des politiques publiques. »

« J’espère qu’il n’y aura pas de deuxième vague de la RGPP, pas plus pour les cadres A que pour les cadres B ou C. Dans le cas contraire, je me verrais dans l’obligation d’allonger le délai de délivrance des titres, par exemple. Quoi qu’il en soit, je ferai tous mes efforts pour continuer à aider les communes et intercommunalités, ainsi que les entreprises qui s’installent, et à assurer un contrôle de légalité rigoureux, faute de quoi on s’exposera à des catastrophes, comme les vingt-neuf morts de la tempête Xynthia. »

Jean-Jacques Brot – Préfet de Vendée

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« Nous avons désormais peu de marge de manoeuvre sur le « un sur deux » ; dans de nombreux services, nous sommes à l’os, a souligné mon secrétaire d’État. »

« Difficile de conserver ce rythme de suppression de postes, sauf à renoncer à certaines missions de l’État et à rationaliser encore. »

« On a créé des directions regroupées avant de définir les modes de fonctionnement et de gestion des personnels de ces directions, un peu comme si l’on avait construit un immeuble de cinq étages sans poser les fondations. Cela a suscité beaucoup de troubles chez les agents : l’an dernier, dans l’Est, j’ai vu un directeur adjoint pleurer. De fait, les missions n’ont pas diminué, contrairement aux effectifs, … »

« Au reste, la plupart des agents s’accordent sur l’objectif -la nécessaire réforme de l’État-, mais non sur les moyens, qu’ils critiquent, y compris aux plus hauts échelons -c’est une nouveauté de cette réforme »


Jean-François Verdier – directeur général de l’administration et de la fonction publique

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« Je comparerai la RGPP à une tondeuse à gazon : tous les services de l’État ont été arasés uniformément ce qui montre d’ailleurs les limites de cette politique. »

« Votre mission (mission sénatoriale sur la RGPP) pourrait évaluer le coût lié à l’appel de consultants privés par l’État, suite à la diminution de sa propre ingénierie. Cela ne sert à rien de diminuer ses propres services pour ensuite faire appel à des entreprises extérieures. Aujourd’hui, en matière de maîtrise d’ouvrage directe, l’État perd toute son ingénierie. »

« L’État a plutôt vocation à s’organiser au niveau départemental, en raison de ses compétences régaliennes. »

Alain Rousset – président de l’Association des Régions de France

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« Dans le cadre de la RGPP, nous avons été informés mais pas concertés. Cette politique doit s’accompagner d’une approche territoriale, au risque dans le cas contraire de déboucher sur un amoindrissement de la qualité du service rendu. »

« Avant la RGPP, l’Etat assurait une assistance technique qui est désormais très éloignée des collectivités locales. »

« L’évolution actuelle pose la question du seuil minimum en deçà duquel l’Etat ne peut pas descendre. L’Etat devrait passer des conventions d’objectif (dans le domaine de l’éducation, de la santé…), faire une pause dans les réformes et se poser la question du maillage minimum nécessaire au maintien de la qualité des services publics sur tout le territoire. »

Vincent Descoeur – Président de l’Association nationale des élus de la montagne
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« Pour les services de l’État, la RGPP se traduit par la concentration d’effectifs dans les chefs-lieux de région. »

Emmanuel Berthier, délégué interministériel à la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale
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« Les élus ruraux l’ont (la RGPP) vécue comme un mouvement de reflux de l’État, qui les laisse démunis face à la marée de normes qu’ils voient, dans le même temps, monter. D’où un sentiment d’abandon très palpable. Les maires de communes rurales ont de plus en plus de mal à assumer leur mandat, et cela déborde largement le seul domaine de l’ingénierie publique. »

« Ainsi, clamer dans les medias que l’on ne remplacera pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sans autre explication, sans distinguer la nature de ceux qui ne seront pas remplacés, sans avoir réfléchi à la manière dont les tâches seront par la suite assumées, c’est plonger les gens dans l’incertitude. »

« On retire des postes de fonctionnaires et ceux qui restent, même s’ils sont polyvalents, croulent sous les tâches. Promouvoir la mutualisation en réponse à la réduction des moyens est intellectuellement satisfaisant, mais dans les faits, ce n’est pas la mutualisation qui prévaut, c’est l’accumulation.
L’éloignement des lieux de décision, vers le chef lieu de département, et un jour peut-être vers le chef lieu de région, nuit à la proximité sans être ni plus efficace, ni plus économe. Où est donc l’intérêt ? »

« La seule alternative, pour les communes rurales, c’est soit de faire les choses en douce, en prenant le risque de l’illégalité, soit de ne rien faire, au détriment de l’aménagement du territoire. Voilà pourquoi la RGPP est mal ressentie. »

Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France
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« Pour être vécue diversement dans les territoires, la RGPP fait l’objet de bien des critiques : les élus intercommunaux constatent un désengagement de l’Etat, en particulier pour l’expertise technique, et ils relient souvent ce qu’ils appellent une « déliquescence » des services extérieurs de l’Etat, à une réaffirmation du contrôle étatique, qui devient parfois tatillon. »

« Chacun convient que la modernisation de l’Etat est un défi à relever, mais l’approche seulement financière est trop réductrice pour tenir lieu de politique. Ce qu’il faut faire plutôt, c’est adapter l’administration territoriale aux évolutions de la société, objectif qui ne saurait se contenter du chas de l’approche comptable. »


« Ce que nous constatons, c’est le dépit des fonctionnaires eux-mêmes, qui nous disent ne plus avoir suffisamment de moyens pour remplir leurs missions, ou encore leur frustration de ne plus être considérés pour leurs compétences. »

Daniel Delaveau, président de l’assemblée des communautés de France
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« Dans les zones rurales, l’ingénierie publique, assurée naguère par les directions départementales de l’équipement (DDE) ou de l’agriculture (DDA), a purement et simplement disparu ! Or ces administrations fournissaient une assistance efficace et fiable. »

« L’Etat allège son dispositif sur le terrain : tant mieux pour les finances publiques d’Etat ; mais les finances publiques locales supportent un poids nouveau. »

Jacques Pélissard, président de l’association des maires de France
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« Certes, il eût été plus facile de mener la réforme à moyens constants, de ne pas manger son blé en herbe en évitant d’utiliser les économies avant même de les avoir réalisées… La réduction des effectifs est-elle trop rapide ? Je serais tenté de répondre oui. »

« Et, à cause des contraintes budgétaires de plus en plus fortes, nous ne sommes pas en mesure de faire appel à des compétences extérieures ou de recruter pour mener à bien des actions rapides et immédiates. En bref, dans les préfectures et les sous-préfectures, il n’y a plus de « gras » ; le muscle est déjà atteint. »

« Je pense avec vous que l’État doit jouer un rôle de coproduction et de conseil auprès des collectivités, et non seulement de censeur. (…..) Seule limite, les moyens… »

« Je ne pense pas qu’il y ait des services en souffrance, mais il peut y avoir des agents en souffrance. »

Daniel Canepa, préfet de la région Île-de-France et président de l’association du corps préfectoral
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« La réforme de l’Etat aujourd’hui a besoin de réflexion sur ce que sont les missions de l’Etat. Nous n’avons pas encore assez réfléchi à ce qu’elles doivent être au XXIème siècle : Etat stratège, Etat régulateur, Etat correcteur des inégalités, Etat prestataire … La part relative de ces différentes missions doit évoluer et je crains qu’on ne se soit pas toujours donné assez de temps pour cette réflexion. »

« La RGPP n’a pas vraiment été un modèle de concertation sociale ni de concertation avec les élus car tout est allé vite. »


Yvon Olivier, préfet honoraire

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« Oui, il faut maintenir cette compétence [compétence voirie des ex-DDE] et cette connaissance du terrain, que ne peuvent pas avoir les cabinets privés, et éviter que ne se creusent un écart entre élus et techniciens, entre élus et fonctionnaires. »

Eric Jalon, directeur général des collectivités locales

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« La RGPP a été imposée sans concertation ni avec les élus ni avec les syndicats, les coupes ont été décidées sans cohérence et ont eu un impact sur la qualité du service rendu. »

« L’administration territoriale de l’État a connu fusions et baisses des effectifs. Des mesures qui pouvaient paraître positives n’ont été ni accompagnées, ni comprises. La fermeture des services publics n’a pas commencé avec la RGPP pour les petites villes, mais celle-ci l’a accélérée. L’absence de concertation a contribué à l’effet domino : la fermeture d’un service public entraîne une perte d’emplois, le déplacement de familles, des pertes pour les commerçants, des fermetures de classes, voire d’écoles, sans parler de l’effondrement du marché immobilier. »


« La capacité des petites villes à faire fonctionner leurs services a également été touchée par la fin de l’offre concurrentielle des DDE pour le réseau routier. Cela vaut aussi pour le droit du sol, l’instruction des permis de construire. Les collectivités locales manquent des ressources et de compétences. »

« Ces décisions ont un effet d’orgue : plus exactement, d’orgue de Staline, car elles détruisent tous les services publics sur nos territoires. »

« Le recentrage du contrôle de légalité n’est pas en soi contestable. Ce qui l’est plus, c’est que les moyens dégagés ne sont pas consacrés à renforcer l’appui aux collectivités. Ils se volatilisent très vite ! Et les communes se sentent bien seules, par exemple pour instruire les dossiers d’urbanisme et de droit des sols. »


Olivier Dussopt, vice-président de l’Association des Petites Villes de France

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Extraits de l’enquête conduite par l’APVF auprès d’un échantillon représentatif des communes françaises de 2.500 à 20.000 habitants:

« 84% des maires considèrent que la RGPP a impacté négativement (voire très négativement pour 27% d’entre eux) le fonctionnement des services publics de leurs collectivités. »

« La RGPP a eu principalement pour conséquence une accélération et une accumulation des fermetures de services publics dans leur globalité. Cela a crée le plus souvent un effet domino : déplacement de familles, fermetures de groupes scolaires en raison du départ des enfants (écoles, collèges, lycées), déclin économique, hausse du chômage, effondrement du marché de l’immobilier dans le cas de grands départs (caserne).
La RGPP engendre un réel cercle vicieux. »


« 22% des communes ont du embaucher pour pallier la fermeture et les baisses d’effectifs dans les services publics. La situation délicate des finances locales restreint la marge de manoeuvre en matière d’embauche pour les petites villes, ne permettant de pallier poste pour poste au départ des services de l’Etat pouvant être compensé (service technique, sécurité).
Ces embauches sont clairement un transfert de charge insidieux de l’Etat vers les communes. L’Etat ne joue plus son rôle qui, au delà du rôle abandonné de protection contre les inégalités territoriales, devrait consister à apporter une impulsion pour l’avenir des territoires visant à dépasser les inégalités. »

« Le constat de l’accompagnement des communes est assez significatif : 67% des maires interrogés considèrent qu’aucun accompagnement n’a été fait par l’Etat pour diminuer l’impact de ces fermetures. Elles se sont donc retrouvées seules. »

« Les petites communes voient se dégrader petit à petit le partenariat avec l’Etat qui leur offrait un appui juridique et technique de proximité gratuit.
Ainsi, 67% des maires considèrent que la RGPP a eu effet négatif sur l’efficacité des services déconcentré de l’Etat.
L’APVF s’inquiète tout particulièrement de l’éloignement des capacités d’expertise et d’ingénierie de l’Etat (DDE, DDAF, DREAC) que le développement de l’intercommunalité et la mutualisation des services communaux ne permet pas toujours de compenser. En tout état de cause, l’Etat se doit de continuer d’assurer le maintien et l’efficacité des services publics dont il a la charge pour l’ensemble des territoires. »

« Le chantier de modernisation des politiques publiques n’a donné lieu à aucun processus de concertation entre l’Etat et les communes. Ainsi, près de 81% des maires ayant répondu à l’étude considère que le degré de concertation a été insuffisant voir inexistant. Seul 1% le considère comme bon.
Cette méthode est pleinement assumée par les « pilotes » de la réforme. »

« 74% des élus ayant répondu à l’Etude souhaite une pause avant la 2eme phase annoncée de la RGPP.
De nouvelles baisses d’effectifs ou des fermetures de services dans les préfectures, sous-préfectures et au sein des services publics encore présents seraient pour les maires interrogés extrêmement dommageable. »

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« Avec la réforme de la carte hospitalière, celle de l’armée et de la justice, avec la reconfiguration des forces de police et de gendarmerie, avec l’évolution des effectifs au lycée et au collège, au Pôle emploi, au Trésor public sans oublier EdF-GdF, quand c’était une entreprise publique, nous avons perdu 500 emplois, ce qui est sans commune mesure avec les pertes d’emploi dans le privé : l’État est responsable du plus grand plan social de la décennie. »

« Voilà l’impact de la RGPP sur un territoire comme le nôtre. Les conséquences sont évidentes : service dégradé, agents démoralisés et surchargés, usagers mécontents, citoyens incrédules, amers, voire violents. Il y a, je le répète, une rupture d’égalité dans l’accès aux services publics. Si nous, élus locaux, avions été consultés, nous aurions pu faire valoir les tristes spécificités de notre territoire, mais, chaque fois, on nous a mis devant le fait accompli. Il est temps que la ruralité ait elle aussi son bouclier ! »


Nicolas Soret, président de la communauté de communes du Jovinien

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« Avons-nous été associés ? Jamais ! Je ne l’ai pas été comme président du Conseil général des Côtes d’Armor. Cela ne m’a pas empêché d’en parler avec le préfet de mon département, un homme courtois, républicain, qui m’a fait part de ses propres interrogations sur le processus. Je n’ai pas non plus été associé comme président de l’ADF et ce n’est pas faute de l’avoir demandé, à plusieurs reprises, par les voies les plus officielles. Mais tout s’est passé comme si l’Etat devait se réformer sans que les collectivités territoriales ne soient concernées – je l’avais déjà signalé devant le comité Balladur. »

« Il n’y a qu’à faire un tour dans les DDE pour constater combien le nombre de postes a fondu ! Un responsable de Leader France, une organisation non gouvernementale qui soutient la mise en oeuvre de la procédure européenne Leader dans les territoires ruraux, m’indiquait récemment que les dossiers européens décourageaient par leur complexité, au point que notre territoire consomme à peine 4% des crédits auxquels il peut prétendre : nous payons les manques de l’ingénierie publique. »

Claudy Lebreton, président de l’Association des Départements de France

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« Tous les secteurs de l’Institution l’observent : les réformes de notre paysse font trop vite sans que les dommages collatéraux qu’elles induisent en soient suffisamment mesurés. La révision de la Constitution de 2008 prévoit que les réformes soient précédées d’études d’impact pour mesurer les effets pervers qu’elles pourraient produire, mais elles le sont rarement, faute de temps et de moyens investis. Il aurait par exemple été souhaitable que les créations du RSI (régime social des indépendants), de Pôle Emploi, de la Camieg (Caisse d’assurance maladie des industries électrique et gazière), qui ont généré de véritables petites révolutions dans les services administratifs des organismes sociaux, soient précédées de mises en commun progressives accompagnées par un management attentif et pédagogue et qu’elles se mettent en place dans un contexte de rodage et de calage. Mais les agents ont dû, tout en gérant les dossiers des deux millions de cotisants au RSI et ceux des trois millions et demi de chômeurs, absorber et s’approprier en urgence de nouvelles pratiques sans cadre spécifique, sans accompagnement adapté. Résultat : ce sont les usagers qui font les frais de cette absence de pédagogie de la décision et de défaillances managériales et /ou technologiques. Et ce sont les agents qui sont injustement stigmatisés. Le Médiateur s’est donc fait un devoir d’alerter sur les risques insuffisamment prévus des conséquences négatives de certaines réformes comme celles provoquées par la création du statut d’auto-entrepreneur. »


« Des attentes plus longues, des délais de traitement qui s’étirent, des démarches supplémentaires à effectuer… comment réagit un citoyen confronté à ce qui est présenté comme une amélioration du service public et qui se traduit en réalité par un service dégradé, plus complexe et moins accessible ? Dans les préfectures, les communes de taille modeste, les organismes en charge d’un service public renforcés se trouvent en réalité profondément fragilisés par les restrictions budgétaires. Fermeture plusieurs semaines dans l’année, diminution des plages horaires d’ouverture, restriction des accès au téléphone, au courrier, à Internet : les effets sont d’autant plus criants dans les préfectures qu’ils interviennent à un moment où les avancées souhaitées par la loi sont particulièrement attendues en termes d’efficacité et de service rendu aux usagers. »

« La standardisation des procédures, qui incite au traitement de masse, conduit à la déshumanisation. L’administration ressemble parfois à une machine à broyer tout ce qui n’entre pas dans les cases prévues. Soumise à une logique de rendement et d’économie de moyens, elle n’est plus à même de percevoir les cas particuliers dans l’important volume de dossiers qu’elle traite. D’ailleurs, elle ne cherche pas à détecter la faille éventuelle ; ainsi une histoire individuelle peut-elle tourner au drame. »


Jean-Paul Delevoye – Médiateur de la République

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« Dans notre secteur, la baisse des prix a été l’effet majeur de la crise 2008/2010. Avec cette baisse, avec des degrés divers selon les métiers, c’est la compétitivité de nos entreprises qui est en jeu. Or, nous n’en sommes plus dans les années 90 où, sur nos marchés, la présence d’une maîtrise d’oeuvre publique, compétente et respectée, jouait un rôle de régulateur, de stabilisateur. »

Patrick Bernasconi – Président de la Fédération Nationale des Travaux Publics

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« La maîtrise d’oeuvre privée est peu régulée, souvent peu qualifiée, n’importe qui peut s’installer sans contrôle. Le rôle de conseil que jouaient les services de l’Etat a disparu, c’est dramatique pour les petites collectivités »


Christian Surget – Président de la Fédération Régionale des Travaux Publics d’Aquitaine

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« Nous sommes actuellement préoccupés par la fin de l’ingénierie publique, qui pose des problèmes de maitrise d’oeuvre »

« L’ingénierie privée se bat sur les prix pour proposer le moins-disant, pourrait générer une dégradation de la qualité des chantiers de pose de canalisations »

Jacques Dolmazon – Président de canalisateurs de France

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Et pour finir, un peu d’histoire….et beaucoup de regrets !! (extraits du rapport sénatorial sur l’ingénierie publique de juin 2010)

« Ce rapport s’adresse aux élus des plus de 30 000 communes ou groupements de communes de France qui n’ont pas la capacité d’organiser leurs propres services d’ingénierie. Il aurait pu s’intituler « chronique d’une mort annoncée de l’ingénierie publique d’Etat »… »

« C’était le vieux monde. Les plus anciens des élus en sont, à tort ou à raison, nostalgiques. Dans ce temps, les services publics irriguaient les campagnes. Le maire bénéficiait du premier conseil et de l’expertise de l’ingénieur de subdivision de la devenue mythique DDE (direction départementale de l’équipement). Les discussions techniques se déroulaient souvent dans un climat cordial. Les dossiers étaient préparés et les chantiers étaient suivis à des coûts adaptés aux moyens des petites communes. La direction départementale de l’agriculture pour sa part accompagnait les programmes d’amélioration des réseaux de distribution d’eau potable de la conception des travaux aux contrôles des factures, elle garantissait le sérieux des projets dans le respect des normes du moment. Ce monde semblait immuable, être un aboutissement. Qui aurait pu imaginer un seul instant qu’il n’existerait plus un jour en France de ministère de l’équipement, ni même simplement de direction des routes ?
Mais des forces se sont mises en mouvement. L’Europe et ses directives dont le rôle fut peut-être moins exclusif que je ne l’imaginais au début de ce travail, la remise en cause des conditions d’exercice de l’ingénierie publique par la Cour des comptes posant de fait la question de la légitimité même de celle-ci, les affirmations par l’ingénierie privée d’une
concurrence déloyale, l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat. »

L’origine du mal RGPP et ses effets néfastes sur la collectivité nationale….

« De nouvelles décisions d’Etat fondées elles essentiellement sur des considérations financières, à travers la première étape de la révision générale des politiques publiques (RGPP), allaient apporter le coup de grâce… »

« Les causes de l’évolution de l’ingénierie publique sont intrinsèques à la RGPP. Le retrait du champ concurrentiel des services extérieurs de l’Etat ne répond pas à un durcissement des normes régissant la concurrence au niveau européen mais à un souci de réduction des dépenses publiques et d’amélioration de la performance des services de l’Etat tels
que la RGPP les définit. »

« De faibles économies budgétaires attendues » (sic…)

« Cassure brutale vers un monde nouveau. La notion de concurrence devient la référence absolue. Le vide soudain autour de beaucoup d’élus. « Je me suis senti abandonné. Vouloir rompre le contrat signé en 2006 et m’avertir soudainement, alors que nous sommes à la phase d’élaboration du dossier nécessaire à la mise en concurrence me désempare » écrit le maire d’une commune de l’Aisne. »

« …le désarroi des collectivités territoriales face au désengagement de l’Etat n’est pas réellement comblé par la mise en place d’une initiative privée qui est pourtant en partie à l’origine du recul des services extérieurs dans le domaine concurrentiel… »

«  Les assurances données par le plus haut niveau de l’Etat sur la survie de l’ATESAT portent sur le court terme ; les prochains conseils de modernisation des politiques publiques pourraient revenir sur ces orientations. Si tel n’était pas le cas et que le cap était bien conservé, la réduction drastique des moyens en personnel du ministère poserait tout de même de réelles questions. »

«  Il a été indiqué à votre rapporteur que dans certains départements les missions de l’ATESAT ne seraient plus exercées, faute de personnel ou suite au départ des personnels compétents dans ces domaines, ou encore en raison d’un changement de politique étatique. »

Et pourtant les besoins existent !!….

« Pourtant la multiplication des lois et normes, la complexification technique et juridique des dossiers, la prise en compte des orientations de développement durable, la nécessité de projets qui abordent les aspects de gestion et de maintenance exigent une ingénierie de plus en plus performante, seule garante d’une bonne élaboration des dossiers et d’une exécution de travaux de qualité. Sont perceptibles les dangers de prestations intellectuelles qui ne seraient soumises qu’à la seule loi de la concurrence sans aucune référence à des missions de service public, les dangers de la perte de connaissance du terrain local. »

«  Apparaît vite la difficulté de trouver un modèle économique viable pour des prestations en direction de petites communes dans des territoires peu denses. Apparaît, à un autre niveau, le danger de perte de compétences de l’Etat dans notre pays d’ingénierie publique et où ont émergé de grands groupes mondiaux privés de travaux publics. »

« Les collectivités territoriales risquent de se retrouver seules, l’Etat se concentrant sur ses compétences régaliennes. Les professionnels de la construction ont pourtant besoin de maître d’ouvrage en capacité de leur passer des commandes claires, de la même façon les entreprises de travaux publics ont besoin d’une direction de maîtrise d’oeuvre efficace. »

« Les représentants de la maîtrise d’oeuvre indiquent que le désengagement de l’Etat se traduit par la quasi-disparition de la maîtrise d’ouvrage. Or sans maîtrise d’ouvrage, l’exercice de leur activité est rendu extrêmement difficile. »

«  L’Etat prestataire s’éteint progressivement quand s’affirment ses missions d’impulsion, d’animation, de contrôle. La mission d’Etat expert, dans un contexte d’ouverture aux collectivités, est un fondement indispensable pour cette nouvelle ingénierie publique que les élus espèrent et attendent à côté de l’ingénierie privée. »

Etat pas vraiment exemplaire au programme…

« …le manque de visibilité et de prévisibilité est un handicap majeur pour les collectivités territoriales qui ne savent pas dans quels domaines les services de l’Etat sont encore présents, pour combien de temps et dans quelles conditions. »

« Nombreux sont les témoignages des élus locaux sur le désengagement des services de l’Etat. »

«  Dès 2009, la réforme des services extérieurs a pris des contours contraignants en termes d’effectifs. Les DDAF ou DDE s’étaient engagées à finir les chantiers commencés, notamment en termes d’aide à la maîtrise d’ouvrage. Il apparaît aujourd’hui que les DDAF, regroupées avec les DDE au sein des directions départementales des territoires, ne disposent plus dans certains départements que d’un seul ingénieur, qui ne semble pas en capacité de mener à bien tous les chantiers engagés. Votre rapporteur a reçu témoignage d’opérations interrompues. »

« Le défaut de communication est caractérisé. L’Etat qui a pourtant préparé cette mutation de longue date n’est visiblement pas parvenu à associer pleinement ses partenaires premiers : ses personnels et les collectivités »

« Votre rapporteur estime que des actions d’information de ces deux publics doivent être mises en oeuvre dans les meilleurs délais, et sont indispensables. Ceci est d’autant plus nécessaire que lors de son déplacement dans une DDT, votre rapporteur a pu constater que la réforme des services de l’Etat pouvait être menée de façon intelligente, en préservant une réelle ingénierie publique étatique au service des territoires, … »

Et les agents dans tout cela ?

« Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les personnels de l’Etat doivent faire face à un certain manque de visibilité sur l’évolution de leur mission, d’une part, et sur le format dans lequel elle sera exercée dans les prochaines années, d’autre part. »

« L’attachement de ces personnels à leur mission de service public et leur compétence ne font pas de doute, mais face aux incertitudes, certains choisissent de réorienter leur carrière, délaissant les champs de l’ingénierie publique, même dans sa nouvelle version axée sur le Grenelle de l’environnement ».

« Votre rapporteur note que les personnels d’encadrement pourraient ainsi manquer à moyen terme, à tel point que la poursuite de l’exercice des missions de service public pourrait être mise en cause. De plus, le non-remplacement quasi systématique des personnels réorientant leur carrière se traduit pour les collectivités territoriales par l’arrêt des chantiers en cours dans de nombreux départements, et par la méconnaissance des missions encore exercées par les DDT. »

Yves Daugigny – Sénateur de l’Aisne, rapporteur devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

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