Référent inondation au niveau départemental : une belle idée

Cette nouvelle mission pour les Directions Départementales des Territoires créée par circulaire disponible ici est directement issue de drames aux conséquences humaines et financière importantes : Xynthia 2010, Var 2010, Aude 1999, Gard 2002, Rhône 2003,…

Toutefois, l’organisation à moyens constants pour les astreintes est un cadre imposé nationalement qui ne répond pas aux réalités terrains.

Quelques extraits choisis :
« Le ou les responsables de la mission de référent départemental devront, en appui de l’entité en charge de la coordination générale de la gestion des crises ou directement :
a) assister le préfet, bénéficiant simultanément de l’appui de Météo France,
– d’une part, dans l’interprétation des données hydrologiques transmises par le SPC, qui a la responsabilité de définir le scénario hydrologique prévisionnel et dont il sera l’interlocuteur technique privilégié,
– d’autre part, dans leur traduction en termes de conséquences à attendre, et d’enjeux territoriaux ;
b) aider aux contacts avec les élus, en référence aux travaux menés sur les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) ou les plans d’action pour la prévention des inondations (PAPI) ou les plans communaux de sauvegarde (PCS), et aux connaissances de terrain acquises par la DDT(M). »

Il s’agit d’une mission d’appui à la gestion de crise : ceci suppose un régime d’astreinte pour une organisation efficace du service. Les crues ne surviennent pas nécessairement la semaine entre 7h00 et 19h00.
La partie contact avec les collectivités suppose de construire et d’entretenir un réseau opérant avec les collectivités.

« Cette mission s’exercera en liaison avec toutes les compétences existantes et vous veillerez à mobiliser pour ces missions les ressources humaines envisageables dans le cadre des moyens actuels et des contraintes en termes d’évolution des moyens. »

Cet extrait de la circulaire se traduit par « à moyens constants voire décroissants »… alors même qu’il n’existe aucun effectif dédié à la gestion de crise en DDT (missions portées par des effectifs supports étranglés par le « carcan des 7% »).

La seule marge de manœuvre locale sur les astreintes est la réorganisation des permanences existantes.
Les DDT sont alors confrontées localement à des choix : par exemple réduire la permanence routière (alors que l’accident routier reste plus probable),…
La seule marge de manœuvre termes d’effectifs est de faire moins de PPR, moins d’information préventive, moins de PAPI,…

« Le rôle d’appui technique à la préparation de la gestion de crise et d’appui en crise requiert un bon niveau technique :l’exercice de la mission nécessite la maîtrise des notions de base en hydrologie et l’habitude de manier les concepts relatifs aux aléas ou à la vulnérabilité ainsi qu’à leur traduction cartographique. Il est donc souhaitable que, si possible, les intervenants soient (ou aient été) parties prenantes dans l’élaboration des PPRI, ou dans la police de l’eau, ou dans l’accompagnement des PAPI, ou des PCS ou d’autres démarches de réduction du risque d’inondation. ils devront aussi connaître le parc des ouvrages hydrauliques dans le département, les principales règles de gestion associées et leur exploitant. »

Dans un contexte de réorganisation des DDTM, et notamment le départ des compétences « annonce de crue » suite à la réforme de 2002, il existe peu de personnes disposant de l’ensemble de ces qualités. Aujourd’hui, l’exécution de la mission de référent inondation supposerait de mobiliser physiquement 3-4 personnes. Il serait important de créer des postes pour mettre en œuvre cette mission et de compenser les contraintes (notamment astreintes) liées à cette mission.

« L’aide apportée pour la préparation de la gestion des crises d’inondation doit être définie suivant les priorités locales identifiées dans la liste suivante en tenant compte des moyens disponibles pour le portage de la politique de prévention des risques dans le département (programme 181) :
– le recueil, la préparation et la formalisation d’éléments utiles pour le dispositif ORSEC départemental spécifique aux inondations, en particulier sur les conséquences des crues prévues ;
– la cartographie des secteurs inondés lorsque des seuils de niveaux d’eau sont atteints aux stations surveillées par l’État et l’identification associée des enjeux et des risques ;
– les cartographies des inondations de référence et des risques, à mettre en relation avec l’élaboration ou la réactualisation des PPRI, ainsi qu’avec les cartographies devant être réalisées avant la fin 2013 dans le cadre de la mise en œuvre de la directive sur l’évaluation et la gestion des inondations ;
– le recueil, dans le cadre des PPRI, d’éléments relatifs aux enjeux territoriaux d’inondations ;
– la participation à la préparation et la mise en œuvre d’exercices de gestion de crise sur la thématique des inondations ;
– la connaissance de l’organisation de la surveillance et de la gestion de la sécurité des ouvrages hydrauliques – digues et barrages – ;
– la capitalisation des informations après les crues, suivant un cadre élaboré par, et en collaboration avec, le SPC et la DREAL, ou la DRIEE, coordonnatrice de bassin, permettant notamment d’alimenter les retours d’expérience : laisses de crues et poses de repères provisoires quand l’événement le justifie, relevés de lignes d’eau, identification des enjeux inondables en fonction du niveau de crue, difficultés pour le retour à la normale, enjeux les plus importants et heure à laquelle ils ont été atteints, hiérarchie dans l’utilité des informations diffusées, etc. ;
– la capitalisation, en liaison avec le SPC, des informations départementales sur les crues historiques ;
– une contribution à la rédaction du règlement de surveillance, de prévision et de transmission de l’information sur les crues (RIC), pour ce qui concerne la connaissance des enjeux locaux et la définition des seuils des niveaux de la vigilance pour les crues ;
– la formalisation de l’expression des besoins locaux vis-à-vis des productions du SPC ;
– une contribution à l’information donnée aux maires par le préfet sur leurs obligations ;
– une contribution à la formation des acteurs départementaux de la gestion de crise à l’utilisation de ces documents et données ainsi que de ressources adaptées (informations transmises par le SPC ou le SCHAPI, imagerie des radars hydro – météorologiques, données de prévision,etc.) qui pourront être mis à leur disposition. »

La logique technique à peine esquissée ici nécessite d’être développée plus avant.
Il y a une différence technique fondamentale entre le produit PPRI et le scénario de crise qui est négligée : la gestion de crise suppose une vision dynamique alors que le PPR n’est qu’une vision statique.
Cela suppose des qualités différentes chez les agents (analyse rapide des situations / réactivité / travail sous pression immédiate) et la mise à disposition d’outils fondamentaux pour la mission de référent inondation à court terme : topographie détaillée, scénarios de crue à différents débits, transmissions de données fiables par le SPC, situation des digues et obstacles à l’écoulement, qualification des risques de rupture des uns et des autres, organisation d’une observation terrain lors des crues,…
Même si une préparation « bureau » importante est indispensable, il ne peut s’agir uniquement d’une mission de bureau.
Ces aspects « terrain » restent particulièrement négligés par la circulaire : une rupture de digue suffit à rendre aveugle la prévision du SPC (CF Loire 2003).
La localisation de la brèche et ses caractéristiques sont indispensables pour évaluer efficacement les débits débordée et leurs conséquences.
Pour cela, un véritable partenariat entre les collectivités locales et les services de l’État est indispensable pour assurer la gestion de crises.

La logique de retrait de l’État de sa posture partenaire des collectivités ne permettra de mettre en œuvre la collaboration nécessaire entre l’État et les collectivités.

Cet exemple emblématique ne fait que prolonger les alertes développées par FORCE OUVRIERE dans son
Manifeste pour la survie du niveau départemental
et confirme l’impérieuse nécessité que les orientations politiques exprimées dans la circulaire du Premier Ministre du 18/11/2011 en matière d’adéquation missions/moyens ne restent pas lettres mortes !

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